Essaim miraculé! L'interview exclusive pour le Rucher de Bussy.
Suite à la récupération d’un essaim qui s’était posé en plein milieu d’une route, notre journaliste spécialiste des abeilles s’est remis au boulot. Ceci afin de nous en dire plus sur ce miracle apicole.
Narcisse Bourdon - : Bonjour Mlle Melline
Mlle Melline : Bonjour Mr Narcisse Bourdon
NB : J'ai cru comprendre que vous avez eu quelques malheurs, il y a maintenant plusieurs semaines et que votre colonie a bien failli passer le "dard à gauche"!
MM :- En effet, nous nous sommes retrouvées mes petites sœurs et moi-même dans une situation particulièrement improbable car posées par milliers en plein milieu de cette chose particulièrement immonde et bien trop odorante que vous appelez "route".
NB : - C'est en effet peu commun mais qu'a-t-il bien pu vous arriver pour que vous vous retrouviez dans cette situation rocambolesque?
MM : - Eh bien, tout d'abord, commençons par le commencement. Avant tout, nous étions bien tranquillement dans notre ruche avec chacune d'entre nous un travail bien adapté à notre âge comme vous devez le savoir si vous avez relu votre interview de 2015 sur la vie d'une colonie d'abeille ici puis ici. Entre nous, vous étiez bien plus jeune et fringant qu'aujourd'hui.
NB :- Je vous remercie pour le compliment mais attardons nous plutôt sur votre colonie. Donc...
MM : - A oui, donc, nous étions toutes à nous affairer à notre travail quand une rumeur a commencé à se rependre au sain de la colonie. Notre reine est elle encore présente? Ce doute faisait peu à peu son chemin car les phéromones royales avaient quasiment disparues et nos antennes avaient beau fonctionner au maximum, elles ne captaient plus que par petites touches ces odeurs si rassurantes pour nous les ouvrières.
NB : - Ça voulait dire que votre reine n'était plus présente dans la ruche?
MM : - Eh bien là est tout le problème. La reine a beau être présente, deux situations peuvent nous tromper. Tout d'abord, si notre reine n'a plus de place pour pondre (toutes les alvéoles sont prises par les larves ou encore la nourriture), elle émet moins de phéromones royales. Mais une autre raison s'ajoute souvent à celle-ci. Il arrive en effet, qu'il y ai tellement d'ouvrières dans la ruche que les phéromones ne passent plus entre les murs d'abeilles.
NB : - Ah! Je comprends, la situation est alors trompeuse pour vous les ouvrières. Mais finalement, quelle sont les conséquences de cette baisse d'émission de phéromones?
MM : - Eh bien la conséquence est simple... Les ouvrières ayant la sensation qu'elles n'ont plus de reine, se mettent à faire des cellules royales afin de faire des reines pour remplacer la leur qui n'est peut être plus là. Et c'est probablement pour ça qu'elles font plutôt des cellules royales sur les extérieurs des cadres car c'est là que, par moment, les phéromones sont moins perceptibles dès que la reine se déplace dans la ruche.
NB :- Veuillez m'excuser mais en quoi le fait de faire des cellules royales va pousser la colonie à essaimer?
MM : - Mais mon pauvre ami, réfléchissez!!! Si on commence à fabriquer des reines alors que la reine est encore présente, ça va poser un problème car vous savez qu'il ne peut y avoir qu'une seule et unique reine dans la colonie. (voir interview de la reine ici et ici).
NB : - Ah oui, en effet... Je n'y avais pas pensé!
MM : - Et quand les ouvrières ont commencé à fabriquer des cellules, le phénomène devient quasi irréversible! On appelle ça la fièvre d'essaimage! Le mécanisme est alors lancé et plus rien ne l'arrêtera. La reine va devoir alors partir avec un certain nombre d'abeilles afin de laisser la place à sa remplaçante qui est dans une des cellules royales.
NB : Mais j'y pense... C'est pour ça que les apiculteurs retirent un certain nombre d'abeilles quand ils voient que la ruche est surpeuplée et qu'ils en profitent pour créer un essaim artificiel! Et ça doit être aussi pour ça qu'ils retirent les cellules royales d'essaimage car tant qu'il n'y a pas de reine prêtes à naître la reine restera dans la colonie.
MM : - Bravo Sherlock quelle intuition! Les apiculteurs essaient de retarder l'essaimage car ils savent qu'une ruche qui perd ses abeilles ne fera pas beaucoup de miel.
NB : - Le votre n'a pas dû bien faire son travail car vous vous êtes bien envolée avec un certain nombre d'ouvrières à la recherche d'une nouvelle maison!
MM :- Et oui. Et croyez moi, si j'avais su dans quelle galère je me mettais, je serais restée bien au chaud dans la ruche.
NB : - Vous voilà donc dans un nuage d'abeilles entourée de vos sœurs à la recherche de votre nouvelle maison.
MM : - Mes sœurs et mes frères. Sachez qu'un essaim qui s'envole est toujours parfaitement équilibré afin d'avoir tous les corps de métiers dans notre futur foyer. Et même certains faux bordons sont présents.
NB :- Mais dites-moi, ne prenez-vous pas un gros risque en quittant votre foyer sans nourriture en réserve?
MM :- Sachez que nous ne partons jamais le jabot vide. Ceci afin d'avoir tout de même quelques jours de réserve de nourriture. C'est aussi pour ça que nous pouvons commencer à construire des alvéoles dès notre arrivée dans notre nouvelle maison même s'il ne fait pas beau et que nous n'avons pas la possibilité d'aller chercher du nectar.
Cependant, il est vrai que nous ne pouvons pas connaître la météo sur plusieurs jours et il peut arriver que nous mourrions de faim si la météo est durablement exécrable après l'essaimage. C'est d'ailleurs arrivé il n'y a pas si longtemps que ça. En effet, au printemps 2021, un grand nombre de jeunes essaims sont morts de faim suite à une météo exceptionnellement pluvieuse et fraîche.
NB : - Je me permets d'interrompre notre discussion car le temps passe et mes employeurs n'aiment pas les heures sup. Vous nous expliquerez la prochaine fois pour quelle raison vous vous êtes retrouvée dans cette galère!