Interview exclusive de "Léon" le faux-bourdon miraculé.
Le mois de septembre est déjà bien avancé et comme chaque année, le génocide des faux-bourdons a bien eu lieu dans la plus grande indifférence. Depuis le mois de juillet, des milliers de mâles ont été éjectés de leur logement voir exécutés sommairement... Par chance, après une recherche minutieuse et une patience infinie, un des reporters du Rucher de Bussy a débusqué un survivant caché dans un coin obscur d'une des ruches. Pour sa sécurité nous tairons l'emplacement de cette dernière et garderons l'anonymat du miraculé en le surnommant Léon.
Le Rucher De Bussy : - Léon nous sommes mi-septembre et vous êtes encore miraculeusement en vie. Pouvez-vous nous raconter vos deux derniers mois au sein de la colonie.
Léon : - Personnellement, je suis né assez tardivement, mi-juin exactement. A l'époque, le temps étant encore très médiocre et la nature avare de nectar, certains de mes frères avaient déjà, selon la rumeur, mystérieusement disparu. Pour ma part, je suis un vrai veinard car peu après ma naissance, le beau temps s'est installé et ma colonie étant en fièvre d'essaimage j'étais plutôt choyé par mes soeurs.
LRDB : - Votre vie était donc agréable.
Léon : - A vrai dire, je n'étais pas à plaindre. Je pouvais entrer et sortir de la ruche à ma guise, je me faisais nourrir et "farnientais" toute la journée en trainant deci delà. Tranquille, décontracté de l'abdomen...
LRDB : - La belle vie quoi!
Léon : - C'est vrai que nous autres faux bourdons avons une vie plutôt sympa, tel Alexandre le bienheureux. On attend sereinement l'appel de la reproduction en profitant des beaux jours.
LRDB : - L'appel de la reproduction? Dites nous en plus...
Léon : - En fait, c'est assez inattendu la première fois que cela vous prend. Ça arrive uniquement lors d'une journée clémente alors que l'astre royal est proche de son zénith. C'est plus fort que vous, vous avez l'irrésistible envie d'aller dans une prairie ouverte ou d'autres mâles sont exactement dans le même état second. Alors que l'excitation est à son comble, une reine prend part à la fête et alors là, plus rien d'autre ne compte que cette foudroyante odeur qui vous tient en laisse. Nous devenons alors tous fous à lier. Plus rien d'autre ne compte que cette petite fée clochette qui traine derrière elle ses mille et une étoiles odorantes. Ce spectacle est paraît il impressionnant. On appel ça le "vol en comète". La reine devant et les mâles derrière. Heureusement pour moi, je n'ai jamais gagné.
LRDB : - Comment ça, heureusement?
Léon : - Ben... comment dire... si le vainqueur gagne le droit à une descendance, il perd en même temps ses organes géniteurs et bien évidemment la vie avec.
LRDB : - Ah! En effet, ça pousse à réfléchir...
Léon : - Quand on sait qu'une reine use parfois jusqu'à vingt faux bourdons afin de remplir sa spermathèque!
Ce faux bourdon n'a plus que quelques instants à vivre. Photo prise par Eric Tourneret photographe professionel. Son site : (http://www.thehoneygatherers.com/)
LRDB : - Mais finalement, excepté ce cas particulier, rien ne laissait présager la tuerie qui va suivre quelques semaines plus tard.
Léon : - Oui et non... Des rumeurs couraient bien mais personne n'y croyait vraiment. Mais courant juillet, nos soeurs ont subrepticement commencé à changer de comportement. Elles ont tout d'abord refusé de nous nourrir (un comble tout de même!) et en quelques jours tout a basculé. Les gardiennes se sont mises à nous interdire l'entrée de la ruche, allant même jusqu'à nous éjecter violemment. Finalement, ceux qui résistaient se sont fait exterminer.
LRDB : - Mais vous ne pouviez pas vous défendre?
Léon : - Avec quoi? Nous autres faux-bourdons n'avons pas de dard!
LRDB : - Mais alors, comment expliquez vous un tel comportement?
Léon : - Il paraîtrait qu'une fois la fièvre d'essaimage passée, nous ne servirions plus à rien. Quel déshonneur tout de même. De vulgaires kleenex!
LRDB : - Mais pourquoi ne pas vous laisser tranquille?
Léon : - Pour notre grand malheur, durant la saison froide, les ressources de nourriture ne sont pas renouvelables et seules les ouvrières sont indispensables pour que la renaissance de la colonie se fasse dans de bonnes conditions au printemps.
LRDB : - Quel est votre avenir aujourd'hui?
Léon : - Je vais me faire le plus discret possible. Certains rares faux bourdons passent tout de mêmes quelques beaux jours durant l'hiver. Je croise les antennes en espérant que mes soeurs ne me remarqueront pas.
LRDB : - Nous vous souhaitons bonne chance en vous remerciant pour votre courage.
Léon : - Merci bien
Eh bien voilà, c'était donc une interview d'un des derniers faux-bourdons de l'année au rucher. Au printemps 2014 des milliers d'autres naîtront et les ouvrières prendront grand soin de leur petite santé, jusqu'au moment où...