Autopsie d'un effondrement (le varroa)
La gestion du varroa fait souvent débat dans le milieu apicole. Chaque apiculteur ayant sa théorie et sa méthode. Finalement, la bonne méthode est celle qui garde les abeilles en bonne santé. Ma méthode était donc bonne jusqu'à maintenant mais de toute évidence, ne l'est plus...
Avant de me lancer dans les explications sur les différentes méthodes de traitement, encore faut il être bien certain que le varroa est responsable de mon problème. Plusieurs observations, mais aussi lectures ,m'ont permis de confirmer mes soupçons.
- La présence du varroa dans le couvains abimé. En observant les abeilles mortes qui étaient tombées sur les planchers des ruches on peut voir plusieurs signes évidents.
Tout d'abord, l'observation physique :
- La présence de varroa sur l'abeille
- La présence d'abeilles désailées
- Un couvain dont tous les symptômes correspondent à la varrose.
- Mais aussi la prise en compte d'autres observations spécifiques à la varrose
- Les ruches ayant essaimé ou ayant eu un arrêt de ponte sont moins touchées que les autres. L'essaimage et l'arrêt de ponte qui en suit fait baisser la pression du varroa sur la colonie.
- Effondrement des colonies durant les mois de septembre, octobre et novembre (mois de naissance des abeilles d'hiver). A noter que ce sont aussi les trois mois où la pression du frelon est la plus importante.
Au bout du compte, voilà ce qui s'est très probablement passé dans mes ruchers.
La varroa s'est développé plus rapidement qu'habituellement durant la saison.
Trois raisons possibles (peut être les 3 en même temps)
- Il y avait trop de varroas présents dans les colonies à la fin de l'hiver
- les conditions climatiques (chaleur et sècheresse) ont permis au varroa de se développer plus rapidement que d'habitude durant le printemps et l'été
- le traitement fait mi-juillet n'a pas été efficace (résistance au traitement)
Les colonies se sont bien porté tant que le taux d'infestation était supportable. Mais durant le mois de juillet et jusqu'au mois de septembre, les varroas se sont développés de façon exponentiel principalement dans le couvain.
Début septembre les abeilles nées au mois de juin étaient encore présentes dans la ruche alors que le couvain était déjà malade. Ce qui explique que je ne me sois pas rendu compte du problème en faisant une rapide ouverture sans trop m'attarder sur les cadres début septembre.
Fin septembre début octobre, les abeilles de juin arrivées en fin de vie sont mortes naturellement mais celles qui auraient dû naître (les nymphes) étaient, elles, déjà touchées par le virus présent dans le couvain. Il n'y a donc pas eu le renouvellement habituel des abeilles adultes au mois d'octobre et novembre.
Ici, vu sur des abeilles désailées
Les nettoyeuses ont sorti certaines nymphes n'ayant pas réussi à sortir de leur alvéole. Des varroas sur les nymphes et les abeilles. Il y a aussi de très jeunes abeilles mortes du virus.
Et des varroas un peu partout.
La population des colonies s'est effondrée laissant un grand nombre d'entre elles bien trop faibles pour faire face au frelon.
Les colonies affaiblies et très touchées par la varrose ont été agressées et littéralement "dévorées" par le frelon. Les autres, touchées mais suffisamment fortes pour résister au frelon ont vu leur population fortement diminuer. Pour ces dernières, j'ai resserré les colonies en les mettant entre deux partitions chaudes pour les aider à maintenir la chaleur et tenter de passer l'hiver.
Quel traitement et pourquoi ai-je failli?
Jusqu'en 2020, mon traitement contre le varroa, se limitait à la mise en place d'un acaricide (apivar ou apistan) une fois la récolte faite. Deux lanières posées dans le couvain. Les abeilles en se frottant contre les lanières infectent l'acarien qui meurt et tombe sur le plancher de la ruche. Ayant senti le mauvais vent venir, j'ai, dès l'hiver 2021/22, après avoir compté les chutes de varroas , fait un seconde traitement sur les colonies qui voyaient tomber plus de 0.5 varroas par jour.
Habituellement, à cette époque de l'année je n'avais quasiment aucune ruche concernée alors que l'hiver dernier, une dizaine avait dépassé ce taux. C'est ce qui m'avait poussé à faire ce second traitement.
Mais alors, pourquoi malgré un comptage et un second traitement ciblé, mes colonies ont elles tout de même été infectées?
Trois raisons possibles :
1 le traitement n'est pas efficace.
2 le traitement a été mal fait ou trop tardivement.
Difficile de savoir s'il a été mal fait car il me semble avoir bien respecté le protocole. Mais il est possible qu'il ait été fait trop tardivement. En effet, il est préconisé de le faire plutôt fin décembre or je l'ai fait fin janvier. Peut être que certaines reines avaient déjà commencé à pondre, ce qui permet au varroa de se cacher dans les cellules de couvain operculé (fermé).
3 Le comptage et donc l'évaluation de l'infestation étaient mauvais.
J'ai pris conscience cet hiver que le comptage des varroas tombés sur le tiroir de fond des ruches est très aléatoire.
Suite à la récente perte d'un grand nombre de mes colonies, j'ai décidé au mois de décembre de faire un traitement hivernal à l'acide oxalique sur toutes les colonies. J'ai tout d'abord compté les chutes de varroas par jour. J'ai ensuite fait le traitement puis à nouveau compté la chute des varroas durant les 3 jours suivant le traitement. Et là, grosse surprise!!! D'énormes différences entre l'évaluation de l'infestation et le résultat suite au traitement.
Par exemple, une colonies qui voyait aucun varroa tomber naturellement, a vu plus de 50 varroas tomber chaque jour durant 3 jours... Voilà typiquement une colonie qui me semblait saine et qui aurait commencé la saison avec un taux d'infestation clairement létal à terme.
Même si je ne peux pas affirmer avec certitude que ces deux approximations dans ma méthode de travail sont la cause de mes soucis, je ne dois pas être loin de la vérité.
Malheureusement, suite à ce constat, il me semble que quelque soit le type de traitement, il sera toujours risqué de n'en faire qu'un dans l'année. Un traitement juste après la dernière récolte et un autre sur toutes les colonies fin décembre semblent donc indispensables si l'on veut aider nos colonies à passer l'hiver.
Où en suis-je aujourd'hui?
Je ferai un bilan dans quelques jours après la vague de froid actuelle afin de vérifier le nombre de colonies encore en vie. Le dernier bilan début janvier confirmait la mort de 27 colonies sur les 80 vivantes début septembre. Sur les 53 encore en vie, un certain nombre ont une population très réduite et seront en très mauvais état voir mortes dans un mois. Je suis dans l'incapacité de faire une prédiction car jusqu'à présent, je n'ai jamais eu de colonie amorçant l'hiver avec si peu d'abeilles. Je suis même surpris que certaines soient encore en vie aujourd'hui malgré la petite population du début d'hiver.
Afin d'anticiper le manque de colonies j'ai investi dans l'achat d'une vingtaine d'essaims (ce qui ne m'étais plus arrivé depuis plus de 8 ans puisque je crée mes propres essaims).
La récolte de printemps sera probablement faible car bon nombre de colonies parmi les survivantes ne seront pas prêtes. Il faudra tout faire, la saison prochaine, pour que la mise en hivernage en septembre se fasse, cette fois-ci, avec des colonies en parfaite santé.
Pour finir, je fais une petite parenthèse sur les responsabilités partagées entre le frelon et le varroa. Ceci n'engage que moi car certains apiculteurs estiment que le frelon peut être à lui seul responsable de la mort d'un grand nombre de colonies.
je vais fonctionner en question/réponses...
Le frelon est il responsable de la mort de certaines de mes colonies?
Oui, certaines colonies ne seraient peut être pas mortes si le frelon n'avait pas été présent dans les ruchers.
Le frelon, à lui tout seul est-il responsable de la mort de certaines colonies?
Non! Seules les colonies très diminuées sont mortes en automne à cause de la prédation du frelon. Les statistiques dans mes ruchers semblent très claires. De plus, en observant l'entrée des ruches, il est évident que le frelon n'entre que si la colonie est très faible ou très petite.
Ce que j'observe et qui correspond aux remarques exposées dans certaines conférences sur le frelon c'est que :
Une colonie faible ou très petite risque de mourir suite au prélèvement du frelon sur les abeilles qui sortent de la ruche. La population de la colonie diminue jusqu'à un seuil fatal.
Une colonie en bonne santé et assez populeuse aura un prélèvement inférieur ou égal à la ponte de la reine. La population ne va donc pas ou peu baisser. Il n'y aura pas d'effondrement. Par contre, il est important que l'apiculteur surveille les réserves de nourriture car les butineuses ont tendance à se cloitrer dans la ruche et vont donc moins profiter des dernières fleurs avant l'hivernage.
Voilà, voilà... Mes derniers articles n'étaient pas très drôle mais ils reflètent bien mon état d'esprit durant cet hiver. J'essaierai tout de même de faire un article plus sympa la prochaine fois en parlant des colonies qui se portent pas trop mal et en faisant un petit retour sur le mois de septembre et ses anecdotes.