Autopsie d'un effondrement (le constat)
Pour la première fois depuis mes débuts en apiculture, je suis confronté à une très forte mortalité au sein des mes différents ruchers. Je vais tenter en trois articles de tout d'abord faire le constat de ce qui s'est passé puis d'en expliquer la ou les possibles causes et enfin de me projeter dans un avenir proche en décrivant les changements que cela induit pour la gestion de mes ruches.
Mi-septembre 2022, comme d'habitude, je jette un œil rapide dans mes ruches, le temps d'évaluer la population des colonies et resserrer un peu tout le monde si besoin. Un tiers des colonies sont déjà placées sur 7 cadres au lieu de 10 habituellement car elles ont servi à créer des essaims fin juin.
Je n'aime pas trop manipuler les colonies à cette époque de l'année. Une petite erreur de ma part en abimant une reine serait fatale. En effet, les faux bourdons ayant été éjectés des ruches, une nouvelle reine ne pourrait plus être fécondée. Certains apiculteurs ont toujours quelques reines disponibles à cette période de l'année mais ça n'est pas mon cas.
De toute façon, en 10 ans d'apiculture je n'ai jamais perdu plus de 3% des colonies entre la fin juin et la mise en hivernage mi-octobre. Donc pas d'inquiétude. Je fais le stricte minimum c'est à dire adapter la taille de la ruche avec une partition et soupeser les colonies afin d'ajuster la nourriture disponible s'il en manque pour passer l'hiver.
En ce qui concerne le frelon, je n'ai jamais perdu une ruche, même les années de forte pression comme en 2018 et 2020. Je place juste les portes d'hiver en resserrant les entrées pour faciliter le travail des gardiennes. De toute façon, si la population de la colonie est forte, il ne rentre pas dans la ruche.
Un certain nombre d'ouvrières se font ponctionner mais ça n'est jamais dramatique car la reine pond les abeilles d'hiver à cette époque de l'année. Les butineuses étant assez âgées, ce ne sont pas ces abeilles qui passeront l'hiver dans la ruche mais bien les abeilles issus de la ponte des mois de septembre et octobre.
Quand au varroa, le traitement à été placé début juillet donc pas d'inquiétude car je n'ai jamais été impacté. En 10 ans, j'ai dû voir 2 abeilles avec des ailes déformées, signe clinique du virus de l'aile déformée (DWV) à qui le varroa donne un gros coup de main en multipliant la charge virale dans l'abeille de 10 à 10000 fois!!!
Donc pas d'inquiétude majeur à ce moment là. Je repasserai dans une vingtaine de jours pour voir si tout est ok et pour affiner les derniers préparatifs pour la mise en hivernage.
Début octobre, nouveau petit coup d'œil rapide.
Les frelons sont très nombreux, probablement plus que d'habitude mais pas d'affolement.
J'ouvre ma première ruche. Mauvais début...
Après avoir soulevé le couvre cadre, je constate rapidement qu'il n'y a pas assez d'abeilles. Seuls 3 ou 4 inter cadres sont occupés alors qu'il y a 2 à 3 semaines il y en avait 7. Mon premier reflexe est d'analyser le couvain qui est généralement la radiographie d'une colonie. Et en effet, il y a un problème. Il est "en mosaïque". C'est à dire qu'un grand nombre de cellules sont désoperculées en plein milieu du couvain. Mais en y regardant de plus prêt, je constate qu'un bon nombre de nymphes (abeilles en formation) sont mortes dans leur cellule et n'ont même pas eu la force d'en sortir. Je suis surpris car ce couvain tel qu'il se présente ne me parle pas. Je sais détecter un certain nombre de maladies mais là je reste coi devant ce triste spectacle.
Ceci étant, rien de dramatique l'expérience m'a appris que chaque colonie a sa propre particularité et une ruche malade, ça n'a rien d'exceptionnel. C'est cependant rarement à cette période de l'année que les maladies surviennent.
Je passe donc à la ruche suivante et là, je me fige devant ce spectacle qui m'était alors inconnu. La ruche est vide. Plus une abeille... Quelques frelons font ripaille avec les quelques larves abandonnées mais plus une habitante vivante à l'horizon...
J'ouvre la ruche suivante et même conclusion que la première ouverte. Des abeilles, mais pas assez pour être dans la norme. En tout cas moins qu'habituellement à cette époque de l'année.
Inquiet, je délaisse les ruches voisines et passe directement dans la deuxième partie du rucher. Ce que je vois est alors tout simplement stupéfiant... Deux ou trois ruches ont été littéralement submergées par les frelons qui entrent et sortent à leur guise sans la moindre résistance des gardiennes qui sont en parti sorti de la ruche. Elles se posent totalement déboussolées sur les branches des quelques arbustes qui habituellement habillent le rucher. Les pauvres sont harcelées par les frelons devenus totalement hystériques. Ils ne savent plus ou donner de la tête avec toutes ces proies qui s'offrent à eux..
Je suis groggy et j'avoue alors me sentir totalement impuissant face à ce triste spectacle.
Mais que s'est il passé en trois semaines???
Comment un rucher en apparence sain avec des colonies ayant produit de grandes quantités de miel toute l'année, a pu en 3 semaines se transformer en un cimetière apicole?
Quelle en est la cause?
Aurais-je pu éviter ça?
Ou en suis-je aujourd'hui?
Je vous donnerai ma théorie et ce qui me semble être l'explication la plus probable après avoir pris le temps d'analyser la situation lors de mon prochain article.