Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
hobbies

Publié par Christophe TROLÈS

Chaque année, un petit nombre de colonies ne passent pas l'hiver. Habituellement, je sais lesquelles sont vulnérables et finalement rares sont les véritables surprises. Si la gestion du varroa (parasite de l'abeille) est bonne, que la colonie est populeuse et qu'elle a de quoi manger, le plus gros risque reste la mort de la reine.

Il est souvent conseillé dans la littérature apicole de réunir deux colonies qui sont trop faibles à l'entrée de l'hiver. Je n'y suis personnellement pas trop favorable. Sauf cas exceptionnel, je laisse la nature faire les choses. Et on a parfois (rarement) une bonne surprise.

Petite enquête sur la mort d'une colonie qui n'a pas passé les deux premiers mois de cet hiver 2021/22.

Enquête sur la mort d'une colonie

En ouvrant la ruche j'ai fait le constat suivant:

Une petite grappe d'abeilles sur un cadre. Un plus grand nombre d'abeilles sur le plancher que l'on ne voit pas sur la photo.

Alors quelle est la raison de la mort de cette colonie?

L'enquête se fera par élimination.

On peut déjà éliminer le problème de la nourriture car les cadres sont pleins de miel. On le voit mieux sur ce plan élargi. Globalement, cette année, les colonies ont pu profiter de la miellée de lierre qui leur a permis de faire des stocks importants. Si j'ai le moindre doute, je leur donne du sirop avant le 15 octobre au plus tard.

Enquête sur la mort d'une colonie

Les pesticides?

De toute évidence non. Tout d'abord parce que cette colonie est dans une zone plutôt protégée mais aussi parce qu'il n'y a eu aucun signe avant coureur durant la saison. Enfin, parce que les colonies voisines se portent parfaitement bien et qu'il n'y a aucune raison qu'une seule d'entre elles soit touchée.

 

Le frelon asiatique? 

Non plus car même s'il y avait deux nids assez proches dont un juste au dessus des ruches, les frelons n'étaient vraiment pas bien fringants cette année comme un grand nombre d'insectes d'ailleurs. J'en ai retrouvé un sur un cadre de la colonie.

Enquête sur la mort d'une colonie

Je pense cependant qu'il est venu très tardivement afin de profiter de cette manne mal défendue par une colonie peu dangereuse pour lui. Mais étant lui même en bout de course, il n'a pas eu la force de repartir de la ruche. Il n'a probablement pas été tué par les abeilles, celles-ci n'étant pas assez nombreuses. De plus, je rappelle que les gardiennes tuent les frelons en les enrobant et en le faisant monter en température afin de les faire mourir d'hyperthermie. Une fois le travail fait, elles l'éjectent de la ruche comme ici sur une ruche voisine.

Sa position est particulière. On voit qu'il s'est recroquevillé sur lui-même suite à l'attaque des abeilles.

Enquête sur la mort d'une colonie

Petit rappel grâce à cette vidéo tournée en 2018. Les gardiennes se regroupent et forment une masse qui peut  effrayer le frelon. Elles font des mouvements avec leurs pattes dès qu'il se rapproche et émettent un petit son aigu qui pour certains scientifiques serait un cri d'alarme. Personnellement, je l'interprète  plutôt comme un avertissement pour le prédateur.

Le Varroa Destructor : 

C'est le principal suspect car premier responsable de la mortalité hivernale des colonies. N'oublions pas que contrairement au brouhaha des médias et des réseaux sociaux, ce ne sont pas les pesticides et les frelons asiatiques qui, aujourd'hui, sont les plus préjudiciables à l'abeille domestique même s'il ne faut pas pour autant leur retirer une part de responsabilité dans les difficultés des apiculteurs.

(Le problème est plus complexe en ce qui concerne les abeilles sauvages et les autres insectes qui sont sans nul doute particulièrement impactés par l'omniprésence de l'homme sur leurs territoires et qui n'ont pas d'apiculteur pour les aider face aux changements environnementaux.)

Cette colonie d'abeille n'a montré aucun signe de varroose (maladies dues à la pression du varroa) durant la saison. Le couvain était sain (dense et sans trou dans les alvéoles) mais ayant toute fois une surface trop peu développée.

Mais alors, si, ni les pesticides, ni les frelons, ni le varroa sont responsables de la mort de cette colonie. Pourquoi a-t-elle passé le dard à gauche?

Cette colonie s'est tout simplement éteinte de mort naturelle suite à une météo capricieuse.

Elle a été créée au printemps pour remplacer la précédente qui avait perdu sa reine durant l'hiver (mauvais karma sur cet emplacement les deux derniers hivers)-:

La fécondation de la nouvelle reine vierge a donc dû se faire dans des conditions climatiques particulièrement difficiles face au printemps calamiteux de l'année 2021. Cette jeune princesse a beaucoup trainé avant de trouver des amoureux (entre 15 et 20 en moyenne) Elle a finalement commencé à pondre tardivement.

En observant bien le cadre on retrouve la reine.

Enquête sur la mort d'une colonie
Enquête sur la mort d'une colonie

Pas facile à repérer car son abdomen est à peine plus gros que celui d'une ouvrière. Je l'avais déjà noté de son vivant.

L'explication serait donc :

La reine vierge à été mal fécondée suite à une météo catastrophique. Sa spermathèque était donc partiellement remplie. Elle a tout de même pu commencer à pondre mais pas suffisamment pour que la colonie soit assez populeuse pour passer l'hiver.

Ici on voit les dernières traces de couvain de la colonie

Enquête sur la mort d'une colonie

Je rappelle que pour qu'une colonie puisse passer l'hiver et soit en bonne santé au printemps, il faut 3 ou 4 conditions :

  • assez d'abeilles pour tenir la chaleur
  • assez de miel pour se nourrir et avoir des réserves d'énergie pour se chauffer
  • être dans un bon état sanitaire lors de la mise en l'hivernage (pas de maladie et avoir traité le varroa le plus tôt possible après la dernière récolte)
  • éviter les stocks de miel de miellat si les ruches sont à l'ombre

Pour finir, aurais-je pu sauver cette colonie?

Oui, probablement. Il aurait fallu fin juin, quand les doutes sont apparus, être plus réactif et retirer la reine afin de laisser une chance à la colonie de se rémérer de façon plus satisfaisante. Les ouvrières le font d'ailleurs parfois d'elles même en éliminant une reine défaillante. J'ai probablement voulu être un peu trop optimiste, mon esprit étant, cette année, accaparé par les difficultés de gestion des ruchers face à une météo capricieuse.

Un petit mot pour finir. Face à une difficulté, il est toujours plus judicieux de se remettre en question avant de se rabattre sur des causes externes qui, si elles sont toujours plus satisfaisantes pour notre ego, ne le sont pas toujours pour régler le véritable problème...

Commenter cet article