Humeur d'une petite abeille
Vous parlez d'une année! Quasiment quatre mois à ne pas mettre une abeille dehors...
Un mois d'avril sans trop de pluie mais bien trop froid. Un coup à enrhumer ses antennes.
Un mois de mai parfaitement adapté aux escargots et autres mollusques baveux (beurk)
Un tout début de mois de juin bof et rapidement catastrophique. Les nuages squattant notre pauvre ciel qui, en pleine dépression, pleura toute son humeur. Heureusement, la deuxième partie du mois fût moins humide et nous autres butineuses sommes vite sorties nous dégourdir les ailes pour enfin ramener un peu de nectar dans les alvéoles.
Mais nous avons très vite déchanté quand, rebelote, la pluie s'est à nouveau invité jusqu'au début du mois de juillet. Du coup, le travail des porteuses d'eau était plutôt cool cette année. Yavait qu'à aller sur le toit de la ruche!
Jusque là, vous en conviendrez, nous n'avions pas été gâtées. Mais oh!! Miracle!!! Début juillet, alors que les premières fleurs de tilleul faisaient une timide apparition, le soleil s'est mis à briller et enfin réchauffer l'atmosphère. Moins besoin d'ouvrières pour chauffer nos petites larves. Nous avons alors pu pleinement en profiter et faire nos courses afin de préparer l'hiver. Et oui, nous sommes beaucoup plus fourmis que cigales nous autres les Apis Mellifera. Nous ne nous dorons pas la pilule aux premiers rayons de soleil car nous savons bien que les beaux jours ne durent qu'un temps.
Il faut dire qu'avec ce "foutu" réchauffement climatique, plus une bestiole sur cette planète ne sait sur quelle patte danser. Pardonnez mon langage quelque peu châtié mais il faut bien dire que j'ai de quoi être agacée!
Bref, ou en étais-je? A oui, nous avons donc pu en profiter jusqu'au 10 juillet et nous avons bien fait car le 13 juillet, le ciel nous est littéralement tombé sur la tête.
Mais tout ça, ce ne sont que des mots. Alors parlons chiffres. Et oui, nous sommes particulièrement rationnelles nous les ouvrières. Alors pour plus de clarté et pour que vous puissiez comprendre en quoi une telle année peut rendre chèvre une pauvre petite abeille, nous avons demandé à notre apiculteur de faire un schéma.
Ben oui, si nous savons parfaitement danser nous ne savons pas encore écrire...
Afin qu'il n'y ai aucune ambiguïté et que l'on ne nous traite pas de prétentieuses (mieux vaut se méfier aujourd'hui car on peut faire le bzzz sans le vouloir), le petit schéma est tiré, non pas de notre colonie mais du pesage de la championne des ruches de notre apiculteur.
Petite simplification :
du 26 avril au 8 mai : +1kg soit 80g/j pendant 12 jours
du 8 mai au 10 mai : +10kg soit 5kg/j pendant 2 jours
du 10 mai au 11 juin : +5kg soit 150g/j pendant 32 jours
du 11 juin au 19 juin : +15kg soit 2kg/j pendant 8 jours
du 19 juin au 30juin : +2kg soit 180g/j pendant 11 jours
du 30 juin au 9 juillet : +20kg soit 2.2kg/j pendant 9jours
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'y a pas eu de grande constance dans le travail de nos petites consœurs. Et si l'on se réfère à la météo qu'il a fait, on constatera que tout correspond. Quand il fait beau et chaud, tout le monde est content et les alvéoles se remplissent. Qu'il se mette à faire froid ou à pleuvoir et c'est la catastrophe. Et surtout, n'oublions pas que nous avons à faire à une championne. Pour un grand nombre de colonies, l'encéphalogramme est resté plat jusqu'au début du mois de juillet et elles ont finalement pu travailler qu'une dizaine de jours.
Sachez quand même que quand tout va bien, le poids de notre ruche augmente à peu près régulièrement du début du mois d'avril jusqu'en juillet avec, il est vrai, une petite pause juste après la chute des fleurs d'acacia jusqu'à l'arrivée des fleurs de tilleul. On appelle ça un trou de miellée. Mais cette année ça n'est pas à un trou de miellée que l'on a dû gérer mais à un véritable gruyère.
Malheureusement, nos problèmes ne se sont pas arrêtés là car il ne faut pas nous réduire à de simples productrices de miel. Et oui, nous avons aussi une vie amoureuse. Enfin... Nous les ouvrières pas vraiment. Mais les jeunes reines vierges adorent sortir de la maison et titiller tous les faux bourdons qui flânent aux alentours en laissant traîner derrière elles une petite traînée de phéromones qui les rend dingues. Manque de pot, elles sont particulièrement frileuses. Ainsi, quand la température ne dépasse pas les 17 degrés ces dames font leur mijaurée et refusent de se rendre au bal.
Du coup, cette année, un certain nombre de jeunes colonies se sont retrouvées sans reine fécondée et c'est malheureusement pour elles l'équivalent d'un acte de décès.
Pour couronner le tout, plus nous sommes confinées par la météo, plus nos envies d'essaimage s'amplifient.
Du coup, autour de nous, il y a un paquet de voisines qui ont quitté leur logement. Mais bon, si elles n'avaient pas un bon plan B ou la chance de voir arriver un apiculteur pour les mettre à l'abri, leur chance de survie étaient assez mince vu les conditions météo...
Enfin bon, si je vous parle aujourd'hui, c'est que ma colonie s'en est finalement tirée et figurez vous que contre toute attente, c'est au mois de septembre que nous avons finalement pu nous faire plaisir durablement grâce à notre copain le lierre qui fût particulièrement altruiste cette année en nous offrant de bonnes quantités de nectar et de pollen.
Miellée de lierre septembre 2021
Nous sommes donc parées pour passer l'hiver dans de bonnes conditions si le ciel ne nous réserve pas de nouvelles bizarreries.