Le corbeau, la noix et l'écureuil
Après "la mésange, le vieux cadre et l'apiculteur", une nouvelle petite fable inspirée des invités de mon jardin.
Commençons par une énigme...
Comment une pousse de noyer a t'elle bien pu naître dans un vulgaire bac à fleurs honteusement délaissé par son propriétaire, en sachant que le premier arbre à noix se trouve à plus de 300 m?
Une tempête aurait-elle pu déplacer une petite noix sur une telle distance? Plus qu'improbable! Et de toute façon, aucune véritable tempête à signaler ces 2 dernières années...
Les noix n'étant pas particulièrement réputées pour leurs déplacements autonomes, une autre solution devait être proposée.
Le geai, connu pour ses qualités de jardinier, sa mémoire percée et sa présence hivernale dans les jardins, aurait pu être désigné comme responsable de cette plantation sauvage.
Oui mais voilà... Son petit nom étant "geais des chênes" et non pas "geais des noyers", il y a erreur sur la personne...
J'ai donc dû rassembler toutes les preuves de cette inadmissible infraction au code des plantations sauvages de mon jardin et en ai tiré ma version des faits que voici...
Fin 2014, alors que la chape de béton de mon futur abri pour hausses venait d'être terminée, je découvrais par hasard quelques noix dispersées à même le sol.
Intrigué par ces fruits à coques qui n'avaient pas lieu d'être là, je cherchais aux alentours qui avait pu les placer ainsi. Et ça n'est pas ma vue mais bien mon ouïe qui me permis de faire le premier pas vers la vérité!
Des sons monocordes attirèrent mon attention juste au dessus de moi.
C'était les braillements d'une bande de corneilles noires qui, depuis maintenant quelques années, et en particulier lors de la saison froide, squattent le fond de mon jardin perchées sur le plus haut frêne du village. Depuis la nuit des temps, ces petites bêtes bien inoffensives passent pour des oiseaux de mauvaise augure. Pourquoi un tel ressentiment? Probablement parce que durant des siècles de barbarie, l'homme laissant choir des milliers de cadavres en décomposition sur les champs de batailles, a longtemps assimilé leur activité sur les carcasses humaines aux âmes perdues. Tout ça pour quelques yeux gobés... Ils ont en réalité limité bien des épidémies en étant les premiers des nettoyeurs.
Mais ils dérangent aussi probablement de par leur intelligence hors du commun...
Et c'est justement cette capacité de réflexion qui vaut leur présence au dessus de ma dalle de béton.
Leur bec n'étant pas assez puissant pour fracasser ces fruits à la dent dure, ils les lâchent de toute la hauteur du vieil arbre, espérant ainsi que la noix se fracasse et offre son coeur tendre et généreux en protéines.
Parfois, ça fonctionne et ils s'en régalent alors immédiatement.
Parfois, c'est un échec qui peut alors profiter à certains opportunistes. En l'occurrence, Poil de carotte, l'écureuil du jardin.
Qu'ai-je donc vu là?
Faut pas traîner...
Et maintenant, couvrons ce fruit qu'ils ne sauraient voir....
Partons vite avant d'être repéré par ces brigands à robe noire!!!
Oui mais poil de carotte ne brillant pas plus que monsieur le geai par ses facultés de mémorisation, cette grosse graine pourtant délicieuse se perdra dans les méandres de son cerveau de piaf...
Permettant ainsi à cette dernière de se transformer après quelques mois en un jeune arbre, futur producteur émérite de ces fruits à coque. On pourra alors l'interpeller en lui murmurant au creux de ses branches que dans la nature, on n'a toujours besoin de deux plus petits que soi...
Adage qui, soit dit en passant, conviendrait parfaitement à la relation bien chaotique qui existe aujourd'hui entre l'homme et les pollinisateurs...