Quand le miel fond...
La refonte du miel fait souvent peur aux consommateurs adeptes de produits naturels. Elle n'est pas indispensable pour les apiculteurs ayant un petit nombre de ruches mais inévitable pour d'autres qui n'ont pas le temps de tout mettre en pot juste après la récolte. Ceci d'autant plus que cette dernière est très souvent suivie d'une pose bien méritée pour l'apiculteur qui travaille comme un damné depuis 4 mois...
Mais au retour de vacances, l'activité à la miellerie doit reprendre. Une partie du miel encore liquide va pouvoir être mise en pot, le reste du travail se fera tout au long de l'année.
Tout d'abord, comment est stocké le miel ?
Il peut l'être de différentes manières mais certaines règles sont indispensables pour qu'il puisse garder le plus longtemps possible ses qualités intrinsèques.
- Stocker dans le noir
- Stocker à une température inférieure à 20°
- Stocker dans une pièce si possible pas trop humide (cela dit, les récipients doivent normalement être totalement hermétiques)
Les contenants peuvent être différents.
1. Des fûts de 300kg (généralement réservés aux professionnels)
2.Des seaux de 20 à 40 kg
Pour ma part, je stocke dans des seaux de 18 à 20 kg
3. directement en bocaux
Attention tout de même car plus les contenants sont petits et plus ils seront sensibles aux différences de température.
Une fois mis en seaux ou en fûts, il va falloir refondre le miel. Cette opération est délicate si l'on ne veut pas abîmer ce divin nectar...
Même s'il existe un grand nombre de données qui caractérisent un miel, deux d'entre elles sont particulièrement importantes pour identifier son vieillissement :
L'Hydroxy-Méthyl-Furfural (HMF)
C'est un composé chimique issu de la dégradation du fructose (un des sucres du miel). Nul au départ, sa concentration va augmenter dans le temps en fonction de la température. Le HMF nous donne donc l'âge et le passé thermique du miel.
Les enzymes
Le miel contient des enzymes (substances protéiques qui accélèrent une réaction biochimique). Leurs quantités varient en fonction de l'origine botanique du miel et de l'intensité de la miellée. Parmi les enzymes rencontrées dans le miel, la saccharase (ou invertase) et la diastase (ou amylase) donnent les renseignements les plus utiles.
Un petit tableau et ses explications :
Les 40 mg de HMF représentent le taux accepté par la législation pour pouvoir vendre son miel. La marge est très importante car on ne laissera jamais fondre un miel durant un mois à 40 degrés... Ce taux va donc globalement évoluer assez lentement.
Le taux demandé par exemple pour les concours de miel ou encore sur le cahier des charges du miel bio est de 10mg/kg maximum. On peut estimer d'une manière générale qu'un bon miel ne devrait jamais dépasser les 15mg/kg. Ce qui est le cas pour la très grande majorité des apiculteurs qui revendent leur miel sur des circuits courts.
Si le HMF évolue lentement, qu'en est-il de l'activité enzymatique?
On peut constater que les enzymes sont particulièrement sensibles à la chaleur. Elles permettent d'avoir une idée plus précise sur les chocs thermiques subits par le miel. Le temps de chauffe doit donc être le plus court possible afin de ne pas endommager ces éléments cruciaux pour la qualité d'un miel.
Avant tout, il est important de signaler que le miel a une conductivité thermique très faible. Ce qui veut dire qu'il met beaucoup de temps à chauffer mais aussi à refroidir.
Il existe actuellement 4 principales méthodes pour refondre un miel cristallisé :
1 - les défigeurs
Le principe est simple. On place une résistance en forme de serpentin sur le miel. La résistance s'enfonce au fur et à mesure que le miel fond.
Deux inconvénients :
- le miel chauffe tant que le défigeur n'est pas arrivé en bas du seau
- la résistance s'enfonçant lentement, il peut y avoir une légère surchauffe aux abords de cette dernière.
2- les étuves :
On place un seau dans une étuve à une certaine température en attendant que le miel fonde.
Un inconvénient majeur. Plus le seau (ou le fût) est gros, plus le miel situé au centre mettra de temps à fondre. Celui situé près des parois gardera le temps de la fonte une température assez élevée. Le fait de le malaxer régulièrement permet tout de même de limiter le temps de fonte.
4- Le bain-marie
Cette méthode est plus efficace que l'étuve car il y a moins de déperdition thermique. Elle est cependant moins facile à mettre en place car exigeant un matériel assez spécifique.
Il est souvent utilisé par les particuliers pour refondre le miel en pot mais attention car bien souvent l'eau bout et le miel en contact avec le pot est abîmé.
5 - Melitherm
C'est la méthode que j'ai adoptée. Je vais donc m'attarder un peu plus longtemps afin d'expliquer mon choix.
On constate d'après les données du tableau ci-dessus, que deux critères sont à prendre en compte afin d'éviter d'abîmer un miel à la refonte.
- la température
- le temps de chauffe
Les personnes qui ont créé le melitherm sont parties du principe qu'il devait être possible de monter un miel assez haut en température si le temps de chauffe était extrèmement court.
Le principe du melitherm est donc le suivant.
Tout d'abord, il est conseillé de travailler dans une pièce ayant un taux d'humidité ambiant inférieur à 55%.
Un déshumidificateur est alors indispensable...
Une fois les 55% atteints, on peut commencer à travailler.
Une résistance est placée au fond d'un petit réservoir au dessus d'un filtre très fin. Le tout est posé sur un filtre métal.
Le miel est versé au dessus de cette résistance dans un réservoir.
La résistance est montée à une température aux environs de 60°. Et le miel passe donc à travers le filtre prévu à cet effet.
Les conséquences sont les suivantes :
1. le temps de chauffe est très faible car dès qu'il est en contact avec la résistance, le miel fond et tombe dans le maturateur placé sous le filtre.
2. le miel placé au dessus de cette résistance ne chauffe quasiment pas
3. le miel filtré est très limpide grâce au filtre très fin.
Seule petite faiblesse... Une fois dans le maturateur, le miel fondu garde une certaine température le temps du refroidissement. Il faut donc autant que possible éviter de le mettre dans un gros contenant durant cette période afin d'éviter une trop forte inertie.
Je le mets donc dans des petits seaux de moins de 20kg et les place rapidement dans une pièce assez froide.
On a tout de même le droit de se demander si une montée en température durant un court instant n'altère pas le miel.
Voici des données après analyse en laboratoire
Le miel a été analysé avant et après la refonte.
- Avant la refonte :
HMF = 0.45/kg
Indice de saccharose = 22.9
- Après la refonte
HMF : 0.45/kg
Indice de saccharose = 21.6
On constate donc que le taux de HMF n'a pas bougé et que l'indice de saccharose n'a bougé que de 6%, ce qui reste tout de même particulièrement faible.
Ces tests on été pratiqués par plusieurs spécialistes et ces derniers ont toujours abouti aux mêmes résultats.
Sources :
- Les carnets du CARI (carnet N°51)
- Stephan Bogdanov (centre suisse de recherches apicoles)
En ce qui concerne les qualités gustatives des miels réchauffés, aucune perte n'a été signalée. Je confirme cette affirmation et j'irai même plus loin. Je trouve qu'un miel d'été toutes fleurs a bien plus de parfum quand il a été refondu alors qu'il était mal cristallisé.
Je concluerai en affirmant que si le miel n'est jamais aussi bon qu'à la sortie de l'extracteur, le fait de le refondre n'est pas, contrairement à certaines idées reçues, gravissime... Si le travail est bien fait, il garde quasi toutes ses qualités. Attention tout de même à ne pas répéter cette opération car la dégradation risquerait alors d'être bien plus rapide.