Bilan de l'année apicole 2014 par Mademoiselle Cérimelle
La saison apicole est bel et bien terminée. Les ruches sont toutes en position "hivernage" et l'apiculteur passe maintenant plus de temps à l'atelier qu'au rucher. Un petit retour sur l'année s'impose mais avant de vous donner mes impressions, il me semblait important d'obtenir le ressenti de celles qui le méritent le plus, j'entends par là mes petites zazas.
Une petite interview s'imposait donc et Melle Cérimelle a bien voulu se prêter au jeu.
Le rucher de Bussy : - Melle Cérimelle, bonjour et merci à vous de nous consacrer ces quelques minutes.
Melle Cérimelle : - Pas d'quoi, j'ai tout mon temps, j'ai plus grand chose à faire ces derniers temps.
Le rucher de Bussy : - Racontez-nous, si vous le voulez bien, l'année apicole vue de l'intérieur.
Melle Cérimelle : - Tout d'abord, comme vous avez pu le constater car vous vivez sur la même planète que moi, c'était encore une année climatique assez déstabilisante. Nous avons eu le droit à juin à la place d'avril, puis octobre à la place d'août et finalement septembre et même octobre se sont pris pour août. Bref, un truc de dingue qui ferait perdre la tête à n'importe quelle colonie d'abeille.
Le rucher de Bussy : - Comment avez-vous géré ça.
Melle Cérimelle : - Comme vous le savez, nous autres, les Apis Mellifera, avons de grosses capacités d'adaptation car en 60 millions d'années d'existence, il s'en est passé des événements bizarres. Nous nous sommes donc débrouillées. Au début du printemps, il n'a quasiment pas plu. Butineuses et porteuses d'eau ont donc travaillé pour 10 ou plutôt se sont démultipliées afin de pourvoir aux besoins des jeunes larves qui ont un appétit gargantuesque et qui en plus de ça sont particulièrement nombreuses à cette époque de l'année. En effet, sa Majestée la reine se moque bien des revendications des ouvrières et cela ne la dérange pas de pondre 2000 oeufs par jour. Un de ces quatre, je vous le dis, des syndicats apparaîtront dans les ruches et ça ne sera plus la même tambouille...
Le rucher de Bussy : - Un printemps difficile ou pas?
Melle Cérimelle : - Ne nous plaignons pas, c'était du boulot mais nous avons eu un beau printemps et si ça n'était pas de tout repos, les butineuses ont tout de même pris beaucoup de plaisir en passant du rose pâle des pommiers en fleurs aux cerisiers blanc neige, ou encore en s'égarant dans les plaines jaune citron des champs de Colza. Tout cela en survolant les campagnes de Seine et Marne notablement bigarrées à cette époque de l'année. Je n'étais pas encore nées mais je m'imagine entrain de glisser sur une toile de Renoir.
(Notons que nous sommes tombés sur une abeille particulièrement érudite).
Le rucher de Bussy : - Dites donc, c'est votre apiculteur qui devait être content!
Melle Cérimelle : - M'en parlez pas! Ça, pour être content, il était content. Il n'arrêtait pas de rajouter des étages à notre grenier et comme nous n'aimons pas le vide, nous nous empressions de remplir tout ça de miel.
Le rucher de Bussy : - Un printemps donc exceptionnel jusqu'au bout.
Melle Cérimelle : - Hep! Hep! Hep! Ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit!!!
Un super début de printemps mais qui ne doit pas faire oublier l'énorme frustration causée par les orages qui ont gâché le moment le plus attendu de l'année.
(durant quelques secondes, Melle Cérimelle a du mal à reprendre son récit. On peut deviner une grande détresse dans son regard...)
Le rucher de Bussy : - Vous pouvez nous en dire plus...
Melle Cérimelle : - Les Robiniers, ces faux Acacias qui nous font toutes rêver. Cette odeur indescriptible qui émane de ces corolles blanc nacré remplies d'un nectar exceptionnel. Bien souvent du 8, 10 voire 12 heures d'âge. Notre Château Margaux à nous...
Tout à été détruit en quelques heures par ces "foutus" Cumulonimbus. Une fois l'averse passée, vous vous précipitez pour constater que le feu d'artifice horticole s'est transformé en un tapis mortuaire orné de pétales fanés. Et la, vous n'avez plus que vos 5 yeux pour pleurer.
Le rucher de Bussy : - Mais nous ne sommes alors qu'au mois de mai, il reste encore bien d'autres fleurs à cette époque de l'année.
Melle Cérimelle : - Ah!! Ces journalistes qui causent sans savoir... Sachez monsieur que contrairement à ce que vous pensez, après la floraison des acacias, il y a, dans notre région, ce que l'on appelle, un trou de miellée. Durant quelques jours, il n'y a plus grand chose à "grailler" pour nous pauvres pollinisateurs. Certes, les sureaux sont en fleurs, mais il y a peu à extraire de ces dernières. Certaines années quand le mauvais temps s'en mêle, des colonies peuvent même mourir de faim.
Le rucher de Bussy : - Et c'était le cas cette année?
Melle Cérimelle : - Dieu merci, pas cette année. Nous avons déjà eu le droit à ça en 2013. On m'a raconté qu'il avait même gelé le 28 mai de cette saison mémorable. Mais j'ai tout de même un peu de mal à y croire... Finalement, une ou deux colonies voisines ont un peu souffert mais dès les premières fleurs de tilleul ouvertes, tout était oublié et les réserves ont à nouveau pu se refaire.
Le rucher de Bussy : - Bon... Finalement, tout est bien qui finit bien!
Melle Cérimelle : - Pas si vite mon ami. Une fois la récolte faite par notre apiculteur, c'est à dire début juillet cette année, nos réserves en prennent un sacré coup. Heureusement, il a eu la bonté de nous donner quelques litres de sirop de sucre pour nous aider à passer les mois de juillet et août. Il paraît que certains apiculteurs ne nourrissent pas leurs colonies après leur avoir pris leur miel en prétextant qu'elles peuvent se débrouiller toutes seules. Mais dans quel siècle vivons-nous!!! On pouvait faire ça il y a 50 ans quand les prés étaient remplis de belles fleurs sauvages durant l'été. Mais aujourd'hui, avec tous ces champs de blé et de maïs, allez trouver de quoi nourrir des centaines de milliers d'abeilles.
Le rucher de Bussy : - Pardon! Je suis peut être allé un peu vite en besogne.
Melle Cérimelle : - Vous pouvez le dire! D'autant plus que comme je vous l'ai dit tout à l'heure, le mois d'août s'est pris pour octobre. De la pluie sans arrêt en plus du manque de flore sauvage, cela aurait pu finir de funeste façon. Mon rucher à été touché par un virus appelé "maladie noire ou encore virus de la paralysie chronique". Certaines petites soeurs deviennent bizarrement noires, toutes brillantes et se mettent à trembler. Les pauvres, en plus d'être malades, elles sont rejetées de la ruche par les gardiennes.
Le rucher de Bussy : - Eh bien dites donc.. Pas très sympa entre elles les petites abeilles.
Melle Cérimelle : - C'est une question de survie, monsieur le donneur de leçon! En rejetant les cellules malades, on évite la dissémination de la maladie.
Enfin bon, finalement, avec un mois de septembre exceptionnel, on a limité les dégâts. Et les abeilles malades ont peu à peu disparu des planches d'envol.
Un grand merci tout de même aux fleurs de lierre qui, mine de rien et sans en avoir l'air, nous ont permis de nous requinquer grâce au pollen mais aussi de remplir les rayons de miel avec leur nectar.
Le rucher de Bussy : - Vous voyez bien que finalement l'année se fini bien.
Melle Cérimelle : - Je ne veux pas jouer les rabat-joie, mais une autre bizarrerie s'est ajoutée à nos soucis de maladie. Un nombre anormal de jeunes reines bien nées n'ont pas réussi à être fécondées ce qui met en péril la colonie. Car n'oublions pas qu'une colonie dont la reine est mal fécondée est amenée à disparaître si l'apiculteur n'intervient pas... Et même si certaines ouvrières après quelques semaines tentent tout de même de pondre quelque oeufs, n'ayant pas de spermathèque, elles ne feront naître que des mâles. Cela s'appelle la parthénogenèse. Non non, ça n'est pas un gros mot...
Le rucher de Bussy : - Et bien dite donc, c'est toujours aussi compliqué une année apicole?
Melle Cérimelle : - Mon pauvre monsieur, ça ne va pas en s'arrangeant et je peux vous dire que nous ne sommes pas les plus à plaindre car dans certaines régions, la vie d'abeille se résume à un combat contre l'environnement artificiel.
Le rucher de Bussy : - Pas bien optimiste tout ça... Finalement, qu'allez-vous faire durant les semaines qui viennent?
Melle Cérimelle : - Vous voulez dire durant les mois qui viennent! Je suis une abeille d'hiver et je ne vais pas faire grand chose. Les sorties seront rares et nous allons économiser notre énergie en attendant le printemps pour laisser place aux petites jeunes qui, espérons le, feront repartir la colonie pour une nouvelle saison pleine d'espoir.
Le rucher de Bussy : - Merci bien Mademoiselle et bon hivernage à vous et à vos petites soeurs...